COP30 : entre signaux structurants et ambitions encore insuffisantes
La COP30 s’est achevée à Belém dans un climat contrasté : quelques avancées importantes, une montée en puissance du Global South, mais aussi des déceptions majeures sur les sujets centraux de la transition.
Pour les économies émergentes, dont le Maroc et l’Afrique du Nord, cette COP dessine des lignes de force essentielles pour les dix prochaines années : financement, adaptation, commerce, intégrité des marchés carbone et transition des écosystèmes.
Voici les points clés à retenir.
L’adaptation au premier plan : un tournant assumé
C’est sans doute l’évolution la plus marquante de cette COP : l’adaptation, longtemps reléguée derrière l’atténuation, devient une priorité politique et financière. Les pays se sont engagés à tripler les financements d’ici 2035, avec un objectif pouvant atteindre 1 300 milliards USD par an pour les pays en développement.
Cette annonce constitue un signal fort, même si l’échéance choisie reste tardive au regard de l’urgence climatique. Les modalités de financement, encore floues, devront être clarifiées dans les prochains cycles. Mais une dynamique est lancée : l’adaptation n’est plus une réponse périphérique, c’est un enjeu stratégique pour les territoires vulnérables, qu’ils soient côtiers, urbains ou ruraux.
Aucune feuille de route globale pour sortir des fossiles
À l’inverse, la question des énergies fossiles a confirmé les fractures géopolitiques du moment. Malgré la pression de plus de 80 pays, le texte final ne comporte aucun engagement commun sur une sortie progressive du charbon, du pétrole ou du gaz.
Certains pays ont annoncé des coalitions et des initiatives volontaires, notamment sur le méthane, mais elles restent en marge de l’accord onusien. Cette absence est largement perçue comme un recul, même si des dynamiques régionales et sectorielles continuent , timidement, de progresser en parallèle.
Un cadre mondial pour la transition juste
La transition bas-carbone ne peut réussir sans considérer ses impacts sociaux. La COP30 a ainsi adopté un cadre dédié à la transition juste, centré sur l’accompagnement des travailleurs, des communautés vulnérables et des territoires dépendants des énergies fossiles .
Il s’agit d’un signal important : la transition n’est plus uniquement une affaire de technologies et de trajectoires d’émissions. Elle devient aussi un enjeu de justice sociale, d’équité territoriale et de participation des communautés.
Un système de suivi mondial pour mesurer l’adaptation
Autre avancée notable : l’adoption de 59 indicateurs globaux pour suivre les progrès de l’adaptation. Pour la première fois, un cadre international permet d’évaluer la mise en œuvre réelle des politiques climatiques, et pas seulement les intentions formulées dans les NDC.
À cela s’ajoute le lancement du Global Implementation Accelerator, conçu pour aider les pays à traduire leurs engagements en projets concrets et crédibles. Le centre de gravité se déplace clairement vers l’exécution.
Le climat entre officiellement dans les règles du commerce international
Belém marque également un précédent : les politiques commerciales entrent pour la première fois dans le périmètre officiel des négociations climat. Taxes carbone aux frontières, mécanismes d’ajustement, compétitivité carbone… autant de sujets désormais inscrits dans un dialogue de trois ans au niveau onusien .
C’est une évolution majeure pour les pays exportateurs, qui devront intégrer ces exigences dans leurs chaînes de valeur. Pour l’Afrique, c’est un enjeu industriel et commercial central.
Forêts tropicales : un nouveau modèle de financement
Portée par le Brésil, la COP30 a vu naître un mécanisme inédit : le Tropical Forests Forever Facility (TFFF). Ce fonds vise à rémunérer durablement la préservation des forêts tropicales, avec plusieurs milliards USD déjà engagés .
Au-delà de la conservation, ce mécanisme ancre davantage les solutions fondées sur la nature au cœur de la finance climat. C’est une évolution stratégique autant pour les pays forestiers que pour l’architecture globale de financement.
Compétences, innovation et montée en puissance du Sud global
Belém a aussi été la COP des compétences et de l’innovation. Une nouvelle initiative mondiale soutiendra les reconversions vers les métiers bas-carbone, tandis qu’une coalition Sud-Sud (S2C2) accompagnera les start-up climatiques en Afrique, Asie et Amérique latine .
Le message est clair : les pays du Sud ne veulent plus être de simples récipiendaires d’aides ou de technologies. Ils entendent jouer un rôle actif dans l’innovation, l’entrepreneuriat vert et la création d’emplois de transition.
Pertes et dommages : la mise en œuvre commence
Après des années de discussions, le fonds pour les pertes et dommages passe enfin du concept à l’action. Son premier appel à projets marque une étape importante pour les pays en première ligne des impacts climatiques, notamment ceux confrontés à des événements extrêmes récurrents.
Une ambition globale encore loin du 1,5 °C
Malgré ces avancées, le bilan d’ensemble est jugé insuffisant.
Le texte final n’aborde pas clairement la sortie des énergies fossiles, et les engagements actuels placent le monde sur une trajectoire d’environ 2,5 °C. La répartition de la finance climat demeure très déséquilibrée, au détriment des pays les plus vulnérables, et l’essentiel de l’ambition repose désormais sur les politiques nationales et les coalitions régionales.
Belém ne marque pas une rupture, mais elle dessine des priorités claires.
La décennie qui s’ouvre devra accélérer la mise en œuvre, renforcer l’intégrité des marchés carbone et structurer la finance autour de la résilience. Sustainway continuera à appuyer les gouvernements, les institutions financières et les acteurs privés pour transformer ces signaux en projets bancables, en trajectoires crédibles et en impacts tangibles au Maroc, en Afrique et au-delà.